Y a-t-il moyen de voir le monde réel sans être influencé par les mots? Comment dissiper "l'épaisse croûte de language" (Italo Calvino) qui pèse de plus en plus sur le monde et nous aveugle? Tel est mon questionnement depuis le début des années 90.
Mon propos ne consiste nullement à nier le caractère vital du mot pour l'homme. Puisqu'essentiel il est, je m'efforce au contraire de lui assigner un rôle encore plus grand faisant du mot le moyen même de son propre dépassement.
Dans mes œuvres le mot est tantôt présent comme tel (journaux, livres, distionnaires, caractère en plomb), tantôt suggéré par divers éléments visuels dont la craie, le tableau ou différents types de papier à écrire. Mais quelle qu'en soit la mise en scène il ressort toujours investi d'une présence silencieuse ou mieux d'une présence qui s'efforce d'éveiller le silence plutôt que de le combler. C'est cette présence qu'il m'importe de montrer et de faire sentir car j'y devine la condition première d'une remise en cause de notre relation avec le mot comme avec le monde, et par là même d’une expérience plus profonde de la réalité.